Un schéma innovant qui bouscule la culture agricole
Juin 2018
Si le savoir-faire que requiert la culture de la vigne, l’élaboration du vin et sa commercialisation restent globalement le même qu’hier, les problématiques liées à l’installation sur un domaine viticole ont, quant à elles, bien changé ces dernières années.
En effet, l’augmentation du prix du foncier et la frilosité des établissements bancaires sont des facteurs nouveaux que doivent prendre en compte les candidats à l’installation. Par ailleurs, nous constatons une augmentation de demandes d’investisseurs souhaitant acquérir du foncier et soutenir l’installation d’exploitants. Cet état de fait nous conduit à penser qu’associer un « investisseur » à un « exploitant » est plus que jamais un schéma d’avenir.
Si l’on regarde les statistiques Agreste ou Safer, le prix du foncier viticole est en effet en constante augmentation ces dernières années. Par exemple : + 7,5% sur les terres AOP en Pays de la Loire entre 2015 et 2016 selon les statistiques Agreste.
- Cette augmentation est en partie liée au fait que ceux qui possèdent aujourd’hui les réseaux de distribution sont prêts à payer la terre à prix fort pour s’assurer des volumes d’approvisionnement, ce qui n’est pas forcément le cas pour une personne souhaitant s’installer suite à une reconversion par exemple.
- Une autre raison de l’augmentation du prix du foncier viticole réside dans le fait que depuis quelques années les vignobles en parfait état se valorisent très bien, tandis que ceux qui sont moins bien entretenus ne se transmettent pas. Or cela a entrainé une amélioration générale du vignoble, qui, de fait est vendu à un prix supérieur.
Quel qu’il soit, l’acquéreur se voit contraint d’assumer cette augmentation du prix du foncier.
Par ailleurs, après les périodes d’aléas climatiques de ces dernières années, les établissements bancaires étudient différemment les dossiers de demande de financement malgré les profils intéressants des repreneurs. Les conséquences des conditions météorologiques ont ainsi incité les banques à accroitre le ratio fonds propres / dette bancaire. Or, à moins que l’acquéreur n’ait pu en amont constituer un apport personnel conséquent, cela constitue une difficulté supplémentaire pour son installation.
Cependant, nous constatons un nombre croissant de demandes d’investissement « uniquement » financier sur des terres plantées pour allier passion et rentabilité sur le long terme ou pour constituer un patrimoine foncier familial. Il n’est pas rare que les investisseurs qui nous contactent nous précisent apprécier l’idée de soutenir un candidat à l’installation. Cela nous conduit à penser ce schéma d’association « investisseur »/« exploitant » comme une option pour l’avenir.
Précisons en quelques phrases le rôle et les charges de chacun des différents acteurs dans la reprise d’un domaine en commun :
- L’investisseur acquiert le foncier pour le mettre à disposition de l’exploitant en contrepartie d’un fermage (revenus fonciers). Les investissements qui concernent le matériel végétal (nouvelles plantations, améliorations, etc.) sont à sa charge et facilement prévisibles en amont. Les coûts sont maitrisés, il n’y a pas de surprises. L’investissement est sécurisé et la transmission aux descendants est aisée.
- En échange du fermage, le repreneur exploite les terres et les vignes. Il intègre ces charges liées au foncier à son prévisionnel et se consacre au développement de son activité. Ses revenus lui permettent d’investir dans les ressources humaines, le commerce ou les équipements techniques plutôt que de rembourser le capital lié au foncier. L’installation s’envisage alors avec davantage de sérénité, délesté du poids du prix du foncier.
Certes, culturellement le monde viticole français n’est peut-être pas tout à fait habitué et enclin à ce type de configuration propriétaire / exploitant, mais un savoir-faire doit-il être gâché faute de capitaux ?
Qui sait aujourd’hui quel chef étoilé est propriétaire de ses murs ? Quelle importance pour le gastronome amateur qui goutera et évaluera la qualité de ce qu’on lui présente sans se soucier de la question de la propriété des lieux.
Nous pensons qu’un exploitant ambitieux doit pouvoir mettre à bien son savoir-faire, même s’il ne possède pas les capitaux requis. Si un investisseur peut l’y aider tout en diversifiant et en sécurisant son patrimoine, alors, les intérêts convergent.
Dans le cadre de la transmission des domaines viticoles et pour participer à la pérennisation et la diversité du patrimoine viticole français, à nous de savoir mettre en relation de manière innovante des investisseurs et des exploitants ayant des objectifs similaires et des personnalités qui constitueront un binôme constructif au profit de la filière !